"Rust in Peace"
Le Major T. J. "King" Kong (Slim Pickins) chevauchant une bombe atomique dans Dr. Folamour, de Stanley Kubrick (1964).
À l'heure où les dirigeants américain et nord-coréen se
menacent mutuellement d'oblitération nucléaire, tandis que le dossier iranien
est dans l'impasse, et que par conséquent l'horloge de l'Apocalypse vient
d'être avancée à minuit moins 2 minutes et 30 secondes, il me semble urgent de
prendre un peu de recul.
Nulle question ici de minimiser la gravité de l'aléa stratégique géant
que constitue le Président Trump, mais juste de rappeler avec une pointe
d'humour (noir) que l'épée de Damoclès de l'arme atomique n'a
rien d'une nouveauté.
Pour ce faire, nous allons passer en revue quelques-uns des
projets les plus fous auxquels l'atome a donné naissance au cours de la Guerre
froide, terrain de jeu des esprits scientifiques les plus débridés (et parfois
tordus). De quoi vous inciter, peut-être, à considérer sous un œil nouveau
l’excellent « Docteur
Folamour : ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe », de Kubrick.
I) Le Convair X-6
Nous sommes dans les années 1950, époque où le nucléaire est
roi : en 1955 la Marine des États-Unis d'Amérique vient tout juste de recevoir
en dotation le premier Sous-Marin nucléaire d'attaque du monde (c'est à dire
propulsé par l'énergie atomique, mais ne disposant pas d'armes
atomiques) : l'USS Nautilus.
Face à cette incursion de l'US Navy dans son pré carré, l'US Air Force, premier gardien du feu nucléaire américain, fait montre d'une certaine… défiance. En effet, à l'époque, la dissuasion nucléaire était uniquement aérienne. Nuits et jours, des bombardiers stratégiques américains patrouillaient afin de pouvoir répliquer aussi rapidement que possible à une éventuelle frappe : il faudra attendre la toute fin des années 1950 pour que les missiles balistiques intercontinentaux sol-sol, et peu après les SNLE, viennent compléter l'arsenal nucléaire américain.
Or, le développement de sous-marins nucléaires pouvait légitimement faire craindre à l'Air Force de perdre son monopole sur l'arme atomique, voire d'en être à terme évincée. Car le SNLE a des avantages indéniables sur le bombardier : virtuellement indétectable, il confère une réelle garantie de frappe en second. En outre, de par son mode de propulsion et la portée de ses vecteurs, il a un rayon d'action très supérieur aux bombardiers, tandis que sa discrétion lui permet de s'approcher au plus près des côtes ennemies, accroissant d'autant plus la rapidité de la riposte éventuelle. Enfin, le missile balistique est très rapide : l'entrée dans l’atmosphère des ogives dépasse largement Mach 10, obérant, encore largement aujourd’hui, toute velléité d'interception. Tandis que le bombardier de l'époque, lent et pas furtif pour un sou, lui, est une cible de choix pour la DCA et l'aviation ennemie, et dont la seule parade face à sa vulnérabilité est le nombre. Or, cela demande énormément de moyens.
Soucieuse de limiter les désavantages inhérents à la nature de ses vecteurs aériens, notamment en terme de portée, les premières études concernant l'idée d'un avion nucléaire débutèrent dès 1946, mais ce n'est qu'en 1951 que le projet X-6 prend réellement forme.
Face à cette incursion de l'US Navy dans son pré carré, l'US Air Force, premier gardien du feu nucléaire américain, fait montre d'une certaine… défiance. En effet, à l'époque, la dissuasion nucléaire était uniquement aérienne. Nuits et jours, des bombardiers stratégiques américains patrouillaient afin de pouvoir répliquer aussi rapidement que possible à une éventuelle frappe : il faudra attendre la toute fin des années 1950 pour que les missiles balistiques intercontinentaux sol-sol, et peu après les SNLE, viennent compléter l'arsenal nucléaire américain.
Or, le développement de sous-marins nucléaires pouvait légitimement faire craindre à l'Air Force de perdre son monopole sur l'arme atomique, voire d'en être à terme évincée. Car le SNLE a des avantages indéniables sur le bombardier : virtuellement indétectable, il confère une réelle garantie de frappe en second. En outre, de par son mode de propulsion et la portée de ses vecteurs, il a un rayon d'action très supérieur aux bombardiers, tandis que sa discrétion lui permet de s'approcher au plus près des côtes ennemies, accroissant d'autant plus la rapidité de la riposte éventuelle. Enfin, le missile balistique est très rapide : l'entrée dans l’atmosphère des ogives dépasse largement Mach 10, obérant, encore largement aujourd’hui, toute velléité d'interception. Tandis que le bombardier de l'époque, lent et pas furtif pour un sou, lui, est une cible de choix pour la DCA et l'aviation ennemie, et dont la seule parade face à sa vulnérabilité est le nombre. Or, cela demande énormément de moyens.
Soucieuse de limiter les désavantages inhérents à la nature de ses vecteurs aériens, notamment en terme de portée, les premières études concernant l'idée d'un avion nucléaire débutèrent dès 1946, mais ce n'est qu'en 1951 que le projet X-6 prend réellement forme.
L'US Air Force jette ainsi son dévolu sur le Convair B-36 Peacemaker (« faiseur de
paix »), le bombardier stratégique de l'époque, qui sera ensuite remplacé
par le célèbre B-52.
Un appareil massif, d’environ 70 mètres d'envergure pour presque 50 de long, avec une masse maximale au décollage de 141 tonnes. Un volume des plus appréciables au vu des ambitions de l’US Air Force : y intégrer un réacteur nucléaire pour le propulser, ainsi que tout le blindage antiradiation nécessaire pour protéger l'équipage.
Un appareil massif, d’environ 70 mètres d'envergure pour presque 50 de long, avec une masse maximale au décollage de 141 tonnes. Un volume des plus appréciables au vu des ambitions de l’US Air Force : y intégrer un réacteur nucléaire pour le propulser, ainsi que tout le blindage antiradiation nécessaire pour protéger l'équipage.
Le programme X-6 envisageait la modification de deux
appareils à des fins de tests. Mais seulement un sera modifié. Il effectuera 47
vols entre 1955 et 1957.
A aucun moment, l'avion ne fut réellement propulsé
par l'énergie atomique. Il ne s'agissait que, dans un premier temps,
d'effectuer des études de faisabilité afin de déterminer si les modifications
induites à la masse et au centre de gravité de l'avion lui permettait toujours
de voler, ainsi que de constater les effets éventuels des radiations sur la
cellule et les équipements de l'appareil.
Signalons que les Soviétiques, en parallèle, se livrèrent à un programme similaire.
Mais finalement, en 1961, et après 1 milliards de dollars de l’époque engloutis, le Président Kennedy décida de mettre un terme au projet. Cette décision s'explique notamment par les débuts de l'ICBM justement, qui rendit inutile l'idée d'un bombardier nucléaire, mais aussi par la course à l'Espace à laquelle se livraient les États-Unis et l'URSS, et qui drainait alors des sommes gigantesques.
Une sage décision à mettre au crédit du Président Kennedy. Car n'oublions pas que le concept même de l'avion est d'aller à rebours de la gravité terrestre. Et que les crashs sont, hélas, courant. Un risque d'autant plus présent dans le cadre des bombardiers stratégiques, considérant la longueur de leur mission. D'ailleurs, à plusieurs reprises, des B-52 en mission de patrouille stratégique, s'écrasèrent avec leurs bombes atomiques. Citons :
⁃ en 1961 à Goldsboro en Caroline du Nord ;
⁃ en 1966 à Palomares en Espagne ;
⁃ Et en 1968 à Thule, au Groenland.
Dans les trois cas, il y eut des contaminations radioactives, et concernant Goldsboro, il semblerait qu'une des bombes ait failli exploser, une seule des étapes de mise à feu (sur 4 ou 6, selon les sources) n'étant pas arrivée à son terme.
Or, le risque est décuplé avec un avion à propulsion nucléaire : aux effets directs d'une contamination massive en cas de crash, il faut ajouter le fait qu'un tel avion, destiné à voler des semaines voire des mois sans interruption, prête le flanc à un risque accru d'erreurs humaines dues à la fatigue de l'équipage, mais aussi d'avaries matérielles.
II) Le M-28/ M-29 Davy Crockett
Signalons que les Soviétiques, en parallèle, se livrèrent à un programme similaire.
Mais finalement, en 1961, et après 1 milliards de dollars de l’époque engloutis, le Président Kennedy décida de mettre un terme au projet. Cette décision s'explique notamment par les débuts de l'ICBM justement, qui rendit inutile l'idée d'un bombardier nucléaire, mais aussi par la course à l'Espace à laquelle se livraient les États-Unis et l'URSS, et qui drainait alors des sommes gigantesques.
Une sage décision à mettre au crédit du Président Kennedy. Car n'oublions pas que le concept même de l'avion est d'aller à rebours de la gravité terrestre. Et que les crashs sont, hélas, courant. Un risque d'autant plus présent dans le cadre des bombardiers stratégiques, considérant la longueur de leur mission. D'ailleurs, à plusieurs reprises, des B-52 en mission de patrouille stratégique, s'écrasèrent avec leurs bombes atomiques. Citons :
⁃ en 1961 à Goldsboro en Caroline du Nord ;
⁃ en 1966 à Palomares en Espagne ;
⁃ Et en 1968 à Thule, au Groenland.
Dans les trois cas, il y eut des contaminations radioactives, et concernant Goldsboro, il semblerait qu'une des bombes ait failli exploser, une seule des étapes de mise à feu (sur 4 ou 6, selon les sources) n'étant pas arrivée à son terme.
Or, le risque est décuplé avec un avion à propulsion nucléaire : aux effets directs d'une contamination massive en cas de crash, il faut ajouter le fait qu'un tel avion, destiné à voler des semaines voire des mois sans interruption, prête le flanc à un risque accru d'erreurs humaines dues à la fatigue de l'équipage, mais aussi d'avaries matérielles.
II) Le M-28/ M-29 Davy Crockett
Le Davy Crockett, nommé en l'honneur du célèbre trappeur
américain (qui, lui, était bon tireur), est un canon sans recul de
calibre 120 ou 155mm, selon la version, destiné à tirer la munition M-388 :
un obus à fission atomique d'une « très faible » puissance :
entre 10 et 20 tonnes d'équivalent TNT. Une arme nucléaire tactique, donc.
C'est à dire destinée à être utilisée au combat, et non dans le cadre de la
dissuasion à proprement parler.
Il était servi par une équipe de 3 hommes. Le M-28 avait une portée de l'ordre de 2km, et le M-29 de 4. Ce, avec une précision des plus... aléatoires.
En dotation dans les années 1950 et jusqu'en 1963, et il fut déployé en République fédérale d’Allemagne, afin de ralentir les troupes soviétiques en cas d'invasion, en leur empêchant l'accès à certaines zones.
Car le principal effet vulnérant de cette arme, c'était moins la détonation nucléaire en elle même – même si elle était tout à fait conséquente pour la taille du projectile – que ses effets radioactifs : la zone de rayonnement létal était estimée à quelques 400 mètres de rayon. Toute personne pénétrant dans cette zone les jours, voire les semaines suivantes, était destinée à mourir d'empoisonnement aux radiations en quelques heures. Et, bien évidemment, les effets desdites radiations à 2, et même 4 kilomètres – soit la portée maximale du dispositif – étaient loin d'être bénins.
Les 3 servants d'armes avaient ainsi, bien des années plus tard, de fortes chances de développer des cancers des suites de l'utilisation de cette arme, quand bien même seraient-ils parvenus à faire feu à la portée maximale. Ce qui n'était pas du tout garanti considérant la trajectoire plus qu'imprévisible du projectile.
Mais, l'URSS n'ayant jamais tenté d’envahir l'Allemagne de l'ouest, l'arme ne fut jamais employée en opération.
Et, en 1963, lors d'une revue des troupes stationnées en Allemagne de l'ouest, le Président Kennedy (qui manifestement faisait preuve d’un bon sens salvateur) échangea quelques mots avec les servants du Davy Crockett, interpellé par l'aspect quelque peu hasardeux du système. Bizarrement, il en ordonna peu de temps après le retrait d'Allemagne. Néanmoins, la munition fut produite à 2100 exemplaires, et elle resta dans les inventaires jusqu'en 1971.
Il était servi par une équipe de 3 hommes. Le M-28 avait une portée de l'ordre de 2km, et le M-29 de 4. Ce, avec une précision des plus... aléatoires.
En dotation dans les années 1950 et jusqu'en 1963, et il fut déployé en République fédérale d’Allemagne, afin de ralentir les troupes soviétiques en cas d'invasion, en leur empêchant l'accès à certaines zones.
Car le principal effet vulnérant de cette arme, c'était moins la détonation nucléaire en elle même – même si elle était tout à fait conséquente pour la taille du projectile – que ses effets radioactifs : la zone de rayonnement létal était estimée à quelques 400 mètres de rayon. Toute personne pénétrant dans cette zone les jours, voire les semaines suivantes, était destinée à mourir d'empoisonnement aux radiations en quelques heures. Et, bien évidemment, les effets desdites radiations à 2, et même 4 kilomètres – soit la portée maximale du dispositif – étaient loin d'être bénins.
Les 3 servants d'armes avaient ainsi, bien des années plus tard, de fortes chances de développer des cancers des suites de l'utilisation de cette arme, quand bien même seraient-ils parvenus à faire feu à la portée maximale. Ce qui n'était pas du tout garanti considérant la trajectoire plus qu'imprévisible du projectile.
Mais, l'URSS n'ayant jamais tenté d’envahir l'Allemagne de l'ouest, l'arme ne fut jamais employée en opération.
Et, en 1963, lors d'une revue des troupes stationnées en Allemagne de l'ouest, le Président Kennedy (qui manifestement faisait preuve d’un bon sens salvateur) échangea quelques mots avec les servants du Davy Crockett, interpellé par l'aspect quelque peu hasardeux du système. Bizarrement, il en ordonna peu de temps après le retrait d'Allemagne. Néanmoins, la munition fut produite à 2100 exemplaires, et elle resta dans les inventaires jusqu'en 1971.
III) La bombe poulailler
Toujours dans les années 1950, nos amis britanniques ont eu l'idée de concevoir des mines atomiques afin de servir peu ou prou le même objectif que le Davy Crockett : ralentir une invasion soviétique en balayant troupes, véhicules et infrastructures sur de vastes zones. L'idée étant de créer une sorte de no man's land nucléaire en plein milieu de l'Allemagne afin de contenir les soviétiques.
Mais ce, à une toute autre échelle que le M-28/29, puisque les bombes en question devaient développer une énergie de 10kt. Soit mille fois plus que le Davy Crockett. Cela reste relativement modeste, certes, mais tout de même suffisant pour raser une ville. Hiroshima et Nagasaki, étaient de l'ordre de 15kt.
Le Armament Research and Development Establishment fut donc chargé du projet Blue Peacock en 1954. Deux prototypes furent construits, et testés (sans fission atomique, bien évidemment). Hélas, si l'arme en elle même n'avait rien de bien sorcier pour une nation maîtrisant la technologie de l'arme atomique, les scientifiques britanniques se heurtèrent à un problème de taille. En effet, ils observèrent que l'hiver germanique, de par sa froideur, risquait d'empêcher le mécanisme de mise à feu de fonctionner correctement.
Plusieurs pistes furent donc explorées afin de limiter la baisse de température au sein du dispositif, avec néanmoins un impératif clair : l'autonomie totale. Le concept même d'une mine exigeant qu'elle ne puisse être tracée, et qu'elle doive fonctionner en autarcie totale, il était hors de question de la relier tout bêtement au réseau électrique pour alimenter un chauffage d'appoint, au risque qu'elle devienne vulnérable.
Et c'est grâce à une fulgurance intellectuelle teintée d'un humour de situation tout à fait anglais que le projet Blue Peacock entra dans la postérité : l'une des solutions sérieusement envisagées fut de repenser l'architecture de l'arme afin d'y introduire... des poules. Avec eau et nourriture pour environ une semaine. Grâce à leur chaleur corporelle, les gallinacés avaient pour insigne mission de maintenir la température du mécanisme dans ses limites de fonctionnement.
Les britanniques venaient de créer, du moins sur le papier, la première et unique bombe atomique chauffée à l'énergie aviaire.
En octobre 1957, le projet était quasiment achevé. Néanmoins, en 1958, le MoD décida d'abandonner le projet.
En effet, il fut constaté qu'une telle arme ne pouvait être sérieusement déployée :
Toujours dans les années 1950, nos amis britanniques ont eu l'idée de concevoir des mines atomiques afin de servir peu ou prou le même objectif que le Davy Crockett : ralentir une invasion soviétique en balayant troupes, véhicules et infrastructures sur de vastes zones. L'idée étant de créer une sorte de no man's land nucléaire en plein milieu de l'Allemagne afin de contenir les soviétiques.
Mais ce, à une toute autre échelle que le M-28/29, puisque les bombes en question devaient développer une énergie de 10kt. Soit mille fois plus que le Davy Crockett. Cela reste relativement modeste, certes, mais tout de même suffisant pour raser une ville. Hiroshima et Nagasaki, étaient de l'ordre de 15kt.
Le Armament Research and Development Establishment fut donc chargé du projet Blue Peacock en 1954. Deux prototypes furent construits, et testés (sans fission atomique, bien évidemment). Hélas, si l'arme en elle même n'avait rien de bien sorcier pour une nation maîtrisant la technologie de l'arme atomique, les scientifiques britanniques se heurtèrent à un problème de taille. En effet, ils observèrent que l'hiver germanique, de par sa froideur, risquait d'empêcher le mécanisme de mise à feu de fonctionner correctement.
Plusieurs pistes furent donc explorées afin de limiter la baisse de température au sein du dispositif, avec néanmoins un impératif clair : l'autonomie totale. Le concept même d'une mine exigeant qu'elle ne puisse être tracée, et qu'elle doive fonctionner en autarcie totale, il était hors de question de la relier tout bêtement au réseau électrique pour alimenter un chauffage d'appoint, au risque qu'elle devienne vulnérable.
Et c'est grâce à une fulgurance intellectuelle teintée d'un humour de situation tout à fait anglais que le projet Blue Peacock entra dans la postérité : l'une des solutions sérieusement envisagées fut de repenser l'architecture de l'arme afin d'y introduire... des poules. Avec eau et nourriture pour environ une semaine. Grâce à leur chaleur corporelle, les gallinacés avaient pour insigne mission de maintenir la température du mécanisme dans ses limites de fonctionnement.
Les britanniques venaient de créer, du moins sur le papier, la première et unique bombe atomique chauffée à l'énergie aviaire.
En octobre 1957, le projet était quasiment achevé. Néanmoins, en 1958, le MoD décida d'abandonner le projet.
En effet, il fut constaté qu'une telle arme ne pouvait être sérieusement déployée :
⁃ il était utopique de faire admettre à la RFA la présence de mines atomiques pré-positionnées sur son territoire ;
⁃ les retombées radioactives étaient considérables, du fait que la bombe avait vocation à être enterrée (ce qui démultipliait la masse de poussière radioactive rejetée par l'explosion).
Aucun mot en revanche concernant l'évidente contrainte logistique liée à la présence obligatoire de basses-cours à proximité immédiate de la zone de déploiement de ces armes.
Enfin, il convient de relever que le dossier a été déclassifié le 1er avril 2004, et que les autorités britanniques ont dû vigoureusement nier qu'il s'agissait d'une blague.
IV) Le SLAM
Bien avant d'être de la poésie urbaine, le SLAM avait une
acception nettement plus belliqueuse.
Il s’agit en effet de l'acronyme d'un projet
américain dont l'ambition le disputait à la folie furieuse : le Supersonic
Low Altitude Missile.
En 1955, parallèlement au projet X-6 donc, l'US Air Force
faisait montre d'une très grande inventivité afin de conserver sa suprématie
nucléaire. C'est ainsi qu'elle lança le projet SLAM.
Il s'agissait d'un
missile de croisière à très longue portée armé de 14 à 26 ogives thermonucléaires
(des bombes à fusion donc, bien plus puissantes que des bombes à fissions,
comme celles des deux projets précédemment mentionnés).
Il convient de préciser ce qu'est un missile de croisière. Il s'agit d'un missile à vitesse variable (de subsonique à hypersonique) destiné à frapper des cibles au sol, ou en mer, avec une trajectoire et une altitude épousant dans l'idéal le relief du terrain. L'idée étant de voler suffisamment bas pour passer sous la couverture radar ennemie. Le premier exemple de missile de croisière est la fusée V1, conçue et utilisée par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale.
En soi, le concept de base du SLAM n'a donc rien de très notable, si ce n'est sa démesure. 24 têtes, c'est beaucoup. Plus que tous les missiles balistiques actuels.
Et dans sa conception, on pouvait plus parler d'un bombardier longue portée sans pilote que véritablement d'un missile. Mais soit, le missile de croisière à tête nucléaire existe encore aujourd'hui, tels le Tomahawk américain qui peut être doté d'une ogive nucléaire, ou encore l'ASMP-A français.
Il convient de préciser ce qu'est un missile de croisière. Il s'agit d'un missile à vitesse variable (de subsonique à hypersonique) destiné à frapper des cibles au sol, ou en mer, avec une trajectoire et une altitude épousant dans l'idéal le relief du terrain. L'idée étant de voler suffisamment bas pour passer sous la couverture radar ennemie. Le premier exemple de missile de croisière est la fusée V1, conçue et utilisée par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale.
En soi, le concept de base du SLAM n'a donc rien de très notable, si ce n'est sa démesure. 24 têtes, c'est beaucoup. Plus que tous les missiles balistiques actuels.
Et dans sa conception, on pouvait plus parler d'un bombardier longue portée sans pilote que véritablement d'un missile. Mais soit, le missile de croisière à tête nucléaire existe encore aujourd'hui, tels le Tomahawk américain qui peut être doté d'une ogive nucléaire, ou encore l'ASMP-A français.
En réalité, toute la folie du SLAM
réside dans son mode de propulsion : un ramjet à énergie nucléaire.
Le ramjet, ou statoréacteur en bon Français, pour expliquer brièvement, est un moteur sans pièce mécanique qui ne fonctionne qu'à vitesse élevée (Mach 1 minimum, mais dont le rendement ne devient intéressant qu'à partir de Mach 3 environ). Son fonctionnement exige en effet une forte pression de l'air entrant, avant qu'il soit réchauffé via injection de carburant, pour produire une poussée très importante. Il est donc systématiquement accompagné d'un autre mode de propulsion (fusée à poudre, turboréacteur...).
Le ramjet, ou statoréacteur en bon Français, pour expliquer brièvement, est un moteur sans pièce mécanique qui ne fonctionne qu'à vitesse élevée (Mach 1 minimum, mais dont le rendement ne devient intéressant qu'à partir de Mach 3 environ). Son fonctionnement exige en effet une forte pression de l'air entrant, avant qu'il soit réchauffé via injection de carburant, pour produire une poussée très importante. Il est donc systématiquement accompagné d'un autre mode de propulsion (fusée à poudre, turboréacteur...).
Le SLAM, lui, était donc censé être mû par un statoréacteur à énergie nucléaire, ce qui, répétons-le, est insensé.
Ce statoréacteur fit l'objet d'un projet séparé à partir de 1957 : le projet PLUTO. Dont la dénomination me semble fort à propos. Deux prototypes furent produits, et testés avec d'excellents résultats : ToryII-A et ToryII-C.
Le premier fonctionna quelques secondes en 1961, et le second fut poussé à son maximum en 1964, pendant 5 minutes.
L'intérêt de l'emploi de l'énergie nucléaire résidait dans l'autonomie d'un tel réacteur, qui pouvait en théorie voler quelques 182 000 km à basse altitude. Pour rappel, la circonférence de la Terre est de 40 075 km.
Seulement, de par sa conception même, ainsi que les contraintes de poids et de volume inhérentes à un moteur destiné à un missile, le projet PLUTO ne pouvait recevoir de blindage antiradiation.
Le SLAM était donc destiné à voler à plus de Mach 4 au dessus des océans pendant des semaines, voire des mois, recrachant du combustible nucléaire sur son passage, avant, en cas de besoin, de pénétrer le territoire ennemi à très basse altitude pour larguer ses ogives nucléaires sur les cibles désignées, contaminant tout sur son passage, tuant instantanément sur sa trajectoire les êtres vivants et ébranlant les infrastructures par la force de sa seule onde de choc pour enfin aller s'écraser sur un dernier objectif et le contaminer pour des années.
Quelques liens pour approfondir :
Sur le X-6 :
- Atomic Energy Commission and Department of Defense (Février 1963) : Report to the Congress of the United States - Review of manned aircraft nuclear propulsion program. Consultable en .pdf à cette adresse : www.fas.org/nuke/space/anp-gao1963.pdf
- http://www.3ad.com/history/cold.war/nuclear.pages/nuke.vets.pages/kennedy.crockett.htm
- https://www.damninteresting.com/davy-crockett-king-of-the-atomic-frontier/
Sur le projet Blue Peacock :
- http://www.businessinsider.fr/us/uk-developed-chicken-warmed-nuclear-landmines-2015-5/
- http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/3588465.stm
- http://www.designation-systems.net/dusrm/app4/slam.html
- http://www.vought.org/special/html/sslam3.html
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