Transposer une innovation civile aux forces spéciales : une étude de cas.
(Oui, j’ai remarqué qu’écrire « forces spéciales »
dans le titre générait du clic. Non, je n’ai pas honte.)
Discrétion,
vitesse, agilité, létalité… Autant de qualificatifs censés capturer l’esprit
des forces spéciales, ces unités d’élites chargées de faire beaucoup avec peu
(non, tous les militaires français ne relèvent pas du COS).
Une pointe de diamant qui mène également le combat sur le terrain de
l’innovation, comme
j’ai pu en rendre compte il y a peu.
Néanmoins,
étant Parisien, et donc amené à me promener sur la voie publique de temps à
autres, me vient spontanément en tête autre chose que nos honorables forces
spéciales lorsque je lis ces quatre mots : la trottinette électrique
(insérer ici la Toccata et fugue en ré mineur de Bach).
Partant,
quoi de plus naturel que de nous interroger quant à l’intérêt que la
trottinette électrique (que nous appellerons e-scooter par commodité) pourrait présenter pour le COS
(Commandement des Opérations Spéciales, à opposer au Commandement
des Opérations Normales) ? C’est cette petite étude de cas qui nous
occupera aujourd’hui.
Bien
évidemment, nous ne parlons pas des e-scooters
qui ont annexé investi l’espace public des métropoles de France et
d’ailleurs. Une utilisation militaire, de par ses contraintes, impose de
concevoir de nouveaux modèles d’e-scooters.
Robustesse accrue afin d’affronter de rudes conditions climatiques et physiques
(et de survivre à une « expérience utilisateur » légèrement plus
virile), autonomie prolongée, afin de garantir une élongation digne de ce nom,
mobilité augmentée, afin de pouvoir sauter d’un trottoir défoncé à l’autre sans
problème (je vous vois, les partisans de la chenille).
Bref, autant de mises à niveau, d’adaptations qui, bien que nécessaires, ne relèveraient en aucun cas de la rupture technologique, et ne devraient pas mobiliser trop de ressources. Nous avons la technologie pour envoyer des sondes sur des comètes à l’autre bout du système solaire, nous devrions pouvoir nous débrouiller. Je fais confiance à nos ingénieurs. Seule la volonté politique compte.
Et comment s’assurer le soutien de cette volonté politique ? La simple énonciation des qualités d’un tel système de mobilité est un premier pas :
-
démultiplication de la vitesse du combattant
débarqué ;
-
faible empreinte logistique ;
-
poids contenu ;
-
furtivité sonore et thermique (qui n’a jamais
manqué de se faire renverser par l’un de ces engins fonçant à vive allure sur
un trottoir ?) ;
-
prix maîtrisé ;
- modularité (l'on pourrait envisager des versions pour n'importe quel rôle : lutte antichar en y adjoignant le MMP, artillerie avec un mortier tracté, EVASAN avec une petite remorque pour transporter les blessés...) ;
-
et bien d’autres encore.
L’e-scooter militaire excellerait à mon
sens dans les opérations spéciales, en particulier dans un contexte de combat
urbain, pour d’évidentes raisons.
Mais
comme nous n'avons de cesse de le rappeler, l’innovation n’est pas que technologique,
elle doit aussi être d’usage !
Or,
l’utilisation de l’e-scooter en zones
d’opérations laisse entrevoir une quasi-infinité de potentialités. Entraver la liberté de
mouvement ennemie en abandonnant des e-scooters
sur les axes stratégiques, permettant de le gêner sans enfreindre nos
engagements en matière de mines anti-personnelles ; miser sur des
batteries de mauvaise qualité pour recycler les e-scooters en fin de vie en munitions incendiaires pour nos
chasseurs-bombardiers ; ou encore remettre au goût du jour l’estafette en
la dotant du moyen de locomotion idéal, afin de garantir la résilience des
communications militaires en mode dégradé (brouillage, destruction des moyens
de communication, mise-à-jour Windows
intempestive,…).
Plus
disruptif encore : pourquoi ne pas faire d’une pierre, deux coups en
faisant de l’e-scooter un véhicule de l’aide à la reconstruction et au développement ? Là où les
esprits chagrins voient en la nécessité de recharger ces équipements
quotidiennement une contrainte, je préfère prendre le parti d’en faire une
opportunité. Dans une logique d’action civilo-militaire, il serait pertinent de
proposer aux populations civiles de recharger elles-mêmes ces e-scooters, chez elles, de manière
rémunérée, sur le modèle des « bergers de trottinettes » qui
arpentent déjà nos villes à la nuit tombée. Gagner « les cœurs et les
esprits » via les portemonnaies,
voilà un bel exemple de stratégie indirecte. Les États-Unis ont échoué à
exporter leur démocratie, mais nous, nous parviendrons à exporter notre Start-Up Nation ! Certes cela suppose un réseau électrique en état de fonctionnement, mais ce n'est qu'un détail mineur.
Et
d’ailleurs, comme nous l’avions vu, moult innovations développées par et/ou
pour le COS finissent par être généralisées au reste des forces.
Ainsi,
pour paraphraser un penseur militaire contemporain, si c’est la tourelle qui
fait le fantassin mécanisé, pourquoi ne pas créer une nouvelle arme, digne
héritière des traditions de la cavalerie, et à même d’exploiter au mieux les
percées doctrinales et conceptuelles qu’elle ne manquerait pas de susciter : la
cavalerie à roulettes, sur trottinettes !
Autre exemple, pour citer l'opération qui mobilise aujourd’hui (et sans doute demain) le plus de nos hommes et femmes : Sentinelle. Des patrouilles en e-scooter permettraient de s’affranchir de la circulation parisienne, accroissant ce faisant l’agilité de nos militaires, au bénéfice de leur propre protection et de celle des civils (qui devront néanmoins faire un peu plus attention encore à où ils mettent les pieds, mais c’est un minuscule prix à payer). En étendant considérablement les zones de patrouille de chaque équipe, l’épée de Damoclès pesant sur d’éventuels assaillants n’en serait que plus affutée, imprévisible, furtive, et donc dissuasive. L’e-scooter préserverait également le potentiel physique de nos soldats, notamment ceux affectés aux Sacré-Cœur.
Parlons
du physique, justement. Alors que le fléau du surpoids et de l’obésité frappe
de plus en plus de nos contemporains, l’e-scooter
permettrait de pallier, au moins en partie, cette difficulté du recrutement en
permettant d’abaisser les critères physiques exigés de nos militaires. Si la
marche, et la course surtout, deviennent optionnelles grâce à la technologie,
il est évident que les viviers de recrues en seront considérablement augmentés.
Le « chat maigre » relèvera bientôt de l’ancien monde !
Toujours
pour le recrutement, l’image du e-scooter,
habilement et subtilement mise en scène dans des campagnes de recrutement
institutionnelles, permettrait sans doute de séduire de nouveaux publics, et
donc de conquérir de nouveaux gisements de recrutement pour nos armées. En
capitalisant sur la nature « ludique » de ce nouvel équipement, il
serait envisageable d’attirer des catégories socio-professionnelles jusque-là
sous représentées dans les rangs de nos armées : par exemple les jeunes
cadres dynamiques de La Défense, ou encore les créatifs à grosses lunettes du
Xème arrondissement de Paris, deux populations, parmi d’autres, rompues au
maniement de la trottinette. Incidemment, cela aurait pour résultat de
renforcer le lien armée-nation.
Bon,
cette étude de cas s’est transformée en « pitch », et d’après quelques-uns de mes relecteurs, je tiens
vraiment quelque chose.
Donc
il est temps pour moi de mettre à profit mes recherches sur les dispositifs de
financement de l’innovation de défense, et j’ai quelques courriers et
autres formulaires à envoyer.
Voyons voir, la date, déjà… Ah oui ! Lundi 1er avril 2019.
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